Articles Tagués ‘Clone’

Je vais céder à la mode des bilans de fin d’année pour palier le manque relatif de chroniques culturelles durant le deuxième semestre. Concentrons-nous donc sur les séries télé de cette année (même si techniquement, on est en milieu de la saison US et des séries ont encore 4 ou 5 mois pour rattraper le niveau ou alors carrément s’enfoncer dans la médiocrité). C’est sélectif car on ne peut être exhaustif dans ce genre de cas : l’article se concentrera donc plus particulièrement sur mes nouveautés et mes séries qui ont atteint un tournant historique, dont les conclusions.

The Michael J. Fox Show : Affiche

Cette année aura marqué le retour d’anciennes gloires ou de star au potentiel sympathie indéniable. Michael J. Fox est revenu au petit écran pour essayer de renouer avec le succès (époque Spin City) avec une création fortement inspirée de sa vie: The Michael J. Fox Show. Il y est largement question de la maladie de Parkinson, d’une famille nombreuse et unie et du retour professionnel d’une star. Honnêtement, on a là affaire à une petite sit-com sympathique, pas extraordinaire mais toujours agréable à regarder.

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L’autre retour marquant aura été celui de Robin Williams et Sarah Michelle Gellar dans la sitcom The Crazy Ones, dont l’intérêt vaut surtout pour les pitreries de Williams et la présence rafraîchisante de Gellar après cette série catastrophique où elle tenait le double rôle titre, Ringer. De même que pour la précédente, le rythme de croisière est assuré par des lead-in puissants (le désormais indétronable The Big Bang Theory, et dans une très moindre mesure Two and a half men) mais n’assure en rien une deuxième saison.

A côté de ses 2 rouleaux compresseurs, Chuck Lorre a aussi présenté cette année Mom, avec Anna Farris. Sitcom qui m’a laissé de marbre et dont je n’ai pas réussi à aller plus loin que le premier épisode, et qui aura sûrement du mal à passer la première saison.

L’ultime tour de piste de How I met your mother est une torture sans nom: à trop tirer sur la corde du concept (on en avait déjà atteint les limites à la saison 6 ou 7), il est devenu pathétique et insupportable de suivre les aventures de Ted et ses amis qui ont perdu toutes leurs saveurs. Il est largement temps que cela s’arrête. Quant au spin-off How I met your father, inutile de dire qu’il faudra l’accueillir avec la prudence nécessaire et qu’on n’est pas à l’abri du néant créatif…

2013 est aussi l’année du départ définitif de la très géniale IT Crowd avec unique épisode pour la dernière saison. Episode pour le moins anecdotique et qui n’atteint même pas la cheville des trois premières saisons.

Autre déception, la quatrième saison de Community. Je n’en attendais rien après que le show-runner Dan Harmon fut viré comme un malpropre de la production, j’avais raison : c’était sans intérêt. Heureusement, son retour pour la cinquième saison augure du meilleur et j’espère que la série retournera à ses racines déjantées.

Toujours au rayon déception, Doctor Who. Je n’ai jamais caché mon amour pour la série et ma déception au changement Tennant-Smith. En fait, pour être exact, la déception ne vient pas tant de Matt Smith qui campe un Doctor fort appréciable mais plutôt du show-runner Steven Moffat et de la façon trop distanciée dont il a choisi d’aborder la série. Il clame que c’est par le spectre de ses compagnons qu’il écrit la série ; certes, mais on s’en retrouve presque à manquer d’empathie pour le personnage principal et le choix de multiplier les siècles qui s’écoulent pour le Time Lord n’aide en rien. L’ajout de Clara est certes appréciable mais elle manque d’une caractérisation claire pour – encore une fois – s’y attacher (et pourtant, j’ai très envie de m’attacher à Jenna Louise Coleman !). Qui plus est, le choix des intrigues est parfois trop haut perché pour qu’on puisse réellement s’y investir (j’en veux pour preuve les deux derniers épisodes en date avec l’anniversaire des 50 ans et un ennemi pour le moins obscur et le spécial Noël et la multiplication inutile des ennemis). Bref, je me suis particulièrement ennuyé et j’ai hâte que Moffat lâche les reines (autant que j’ai hâte de voir Peter Capaldi en action). Je ne retiendrai que l’épisode anniversaire et les adieux poignants du 11ième Doctor pour cette année 2013.

Almost Human : Affiche

Restons dans la Science-Fiction avec un cop-show différent des sempiternels NCIS ou CSI : Almost Human. Les audiences ne sont pas fameuses (je me demande si ce n’est pas conditionné par l’effet J.J Abrams à la production et le public qui commence à s’en méfier…), mais pour une fois que l’on nous propose une série 100% SF non space-opera, on ne va pas faire la fine bouche ! D’autant plus que c’est avec Karl Urban (Dredd), Minka Kelly (Saturday Night Lights) et des androïdes ! J’espère une remontée dans les audiences car on a trop peu l’occasion de voir ce genre de shows ; et pour le coup, c’est nettement moins cheap que des Terra Nova côté FX et réalisation…

Dans le même thème, on remerciera Arte pour avoir diffusé Real Humans en début d’année…

Breaking Bad s’est terminé mais je n’ai pas encore eu l’occasion de voir la dernière saison (ce qui ne saurait tarder). Le spin-off en préparation, Better Caul Saul, me fait exactement le même effet que How I met your father

Arrow n’en fini pas de me surprendre. La qualité générale et les choix artistiques sont parfois discutables, mais j’accroche toujours. Si DC ne brille pas réellement par sa présence dans les salles obscures (même avec Man of Steel), force est de constater que la télévision lui réussit. On attend à présent la série dérivée sur Flash et la série Gotham pré-chevalier noir centré sur Gordon. On attend surtout que Cartoon Network nous remette des séries animées de qualité après la disparation tragique de Young Justice

Under The Dome : Affiche

La vraie purge de cette année 2013 toutes catégories confondus est l’ultra-buzzifiante Under The Dome. Malgré un concept assez intéressant (une petite bourgade isolée du reste du monde par un dôme mystérieux) et un livre de Stephen King pour support original, Brian K. Vaughan réussit le tour de force de proposer des personnages fades au possible (quand ils ne sont pas carrément clichés) et des situations particulièrement débiles. Ajoutons une réalisation des plus approximatives et nous avons LA série inbuvable par excellence, accumulant des audiences démentielles peu justifiées au regard du matériau et une inexplicable saison 2 pour une série au concept somme toute limité. (Pour moi, c’était à ranger avec Harper’s Island sur le concept, une mini-série en 12 épisode pour l’été, point barre !)

Si 2013 fut riche en séries loin de me retourner les chaussettes par leur créativité ou leur routine plan-plan (hein, Californication), il convient toutefois de présenter mes deux coups de coeur : Drifters et Orphan Black.

Drifters : Affiche

Drifters est une série comique comme seule les anglais savent en faire. On y suit le parcours de 3 filles un peu looseuses sur les bords qui essaient de jongler entre boulot et vie personnelle. C’est créé et porté par Jessica Knappett et cela vaut sérieusement le coup d’oeil pour ceux qui en ont raz la soupe des comédies « à la » Chuck Lorre. Comme toutes les séries anglaises, elle aura son goût de trop peu avec ses 6 épisodes pour la première saison.

Orphan Black : Affiche

Orphan Black est sans conteste LA surprise de cette année. Marginale et orpheline, Sarah est témoin du suicide d’une femme qui pourrait être sa jumelle. Pour des raisons financières, elle décide d’assumer sont identité et met le doigt dans un engrenage conspirationniste insoupçonnée à base de clonage humain. Tatiana Maslany est impressionnante dans les multiples rôles qu’elle assume, l’écriture mèle suspense, thriller et science-fiction dans un cocktail prenant qui vous force à bouffer les épisodes comme des dragibus. S’il n’y a qu’une nouvelle série que vous deviez regarder cette année, c’est incontestablement celle-ci ! Addiction garantie !

Tous les dimanches, je mets en ligne une source d’inspiration pour l’écriture de mon roman Lithium Breed. Ca peut être une photographie, une chanson, une phrase… Par contre, je dis pas pourquoi ou pour quoi ça m’a parlé et la façon dont c’est digéré dans l’écriture : c’est juste pour le plaisir des yeux et/ou des oreilles (et vilement faire revenir les habitués aussi le dimanche !).

C’est parfaitement inutile, donc parfaitement indispensable.

Aujourd’hui, c’est la vingtième semaine consécutive que je poste une inspiration pour Lithium Breed. Je me suis dit que ce serait sympa de marquer un peu le coup pour tout ceux qui reviennent chaque semaine dans l’espoir de glaner des bouts d’information sur mon projet d’écriture en cours. J’avais pensé à partager de nouvelles photos de la muse qui m’a inspiré ce livre : Marilyn Monroe. Mais je me serais plus fait plaisir qu’autre chose, et ce n’était pas le but de l’opération.

Du coup, c’est peut-être pas forcément mieux, c’est clairement moins sexy, mais je partage une de mes recherches pour créer mon univers. Il s’agit d’une rapide présentation de la société « Lithium Breed » qui emploie le protagoniste. Un document de préparation que je n’utilise plus, mais qu’il est parfois nécessaire de faire pour poser certaines bases et vider son cerveau des idées qu’il accumule.

La corporation Lithium Breed est une société tentaculaire qui repose sur plusieurs sociétés filiales dans des secteurs d’activité différents.

La corpo est surtout connue et reconnue pour son travail et ses services en bio-ingénierie. Si le clonage humain est strictement interdit (crime contre l’humanité suivant la Loi Mondiale, dérivée des enseignements Bouddhistes (i.e comme la religion islamique régit la loi judiciaire de certains pays arabes)), le clonage de cellules souches et de body-parts est autorisé à des fins thérapeutiques et chirurgicales. Lithium Breed a été la première société à se lancer dans le commerce des cellules souches une fois la loi de 2083 promulguée et reste désormais la société #1 en la matière tant pour la qualité de ses produits, son savoir faire que pour la relation client en cliniques privées.

Parmi les autres sociétés, on notera des entreprises reconnues dans le domaine de la physique, de l’électronique, informatique, chacune d’entre elle étant rattachées à Lithium Breed et son cœur de métier principal : la biologie.

Il s’agit d’une entreprise familial fondée en 2055 par Tetsuya Sashimoto, repris par son fils en 2131 à la mort de ce dernier.

Lithium Breed bénéficie d’une image de marque indéniable, internationale et représente la 21ième plus grosse fortune du monde. Il s’agit cependant de la corporation la plus humaniste au monde, participant à diverses opérations caritatives sous l’impulsion de son PDG Hirohito Sashimoto. Sashimoto est un pratiquant bouddhiste, convaincu de l’action positive que chaque filiale de la LB (y compris l’Agence) sert à guider l’humanité dans un nouveau cycle vertueux, coïncidant avec un nouvel éveil de Bouddha.

Son siège social est situé à Vancouver.

« L’agence Lithium Breed » est une section non-officielle de la corporation – car en marge de la légalité de part son utilisation nécessaire de clones humains -, auto-suffisante financièrement et  redistribue ses sur-revenus grâce aux contrats d’extractés dans divers actions humanitaires, internationales, caritatives…

Une fois n’est pas coutume, intéressons à une analyse de film. Un peu comme ce que j’avais fait pour Twin Peaks. A savoir, c’est mon blog, j’y raconte ce que je veux, a fortiori ce que je pense (même si je ne suis peut-être pas le seul à le penser). Et aujourd’hui, on va s’intéresser à une des plus grandes interrogations autour du plus culte des films de science-fiction : Blade Runner, réalisé par Ridley Scott, scénario de Hampton Fancher et David Webb Peoples, avec Harrison Ford et Rutger Hauer.

Deckard est-il un Replicant ?

L’article est long, je vais dire « oui » tout de suite, pour vous forcer à aller lire les preuves plus bas. Mais avant toute chose, il convient de faire un petit point. Plusieurs en fait.

  1. Ceux qui n’ont jamais vu Blade Runner sont priés de s’esquiver pendant que j’ai le dos tourné (afin que je ne sache pas qui c’est) et d’aller mater le film illico. Bien évidemment, ça risque de spoiler à mort
  2. Il existe 7 versions différentes de Blade Runner. 7 ! Certaines anecdotiques, d’autres changeant les interprétations du tout au tout. Celle de 1982 sortie en salle US par exemple fait la part belle à une happy end moisi pour ne pas déstabiliser ceux qui ne connaissaient Harrison qu’à travers ses rôles récents de Han Solo et Indiana Jones. Afin que tout le monde parte sur la même base, on va étudier la Director’s Cut finale de 2007, sensée correspondre à la vision de Ridley Scott. Ce n’est pas nécessairement ma préférée, mais c’est la plus aboutie et la plus intemporelle (disons qu’on n’a pas l’impression que le film a déjà 30 ans).
  3. Cette analyse n’implique que moi et probablement d’autres personnes qui ont dû dire la même chose ailleurs sur la toile, j’ai pas tout vérifier. Si on est plusieurs, ça pourrait impliquer qu’on ait raison. De toute façon, jamais on aura la réponse à la question et c’est d’autant mieux de préserver cette part de doute autour de l’origine de Deckard. Disons que j’essaie de faire avancer le débat et le mythe.

File:Blade Runner poster.jpg

Maintenant que tout est aplani, commençons avec une analyse de la question, comme on m’a appris en cours quand on se lançait dans une dissertation de philo. Deckard est-il un Replicant ?

  • Deckard est le héros de Blade Runner, interprété par Harrison Ford. Deckard est un Blade Runner à la retraite, retiré des affaires. Un Blade Runner est le nom donné à un agent de cette section particulière de la police chargée de traquer et retirer (bousiller, quoi) des replicants. Si on rappelle Deckard à rempiler, c’est tout simplement parce qu’il s’agit du meilleur et qu’il a 4 replicant qui viennent d’arriver illégalement sur Terre et qu’ils sont pas spécialement jouasses vis-à-vis de leur créateur.
  • Est-il. Bon, bah, c’est un état. Une constante qui définit son identité profonde.
  • Un Replicant. Un Replicant est un être artificiel créé de toute pièce, un machine génétique identique à l’être humain mais supérieurement développée physiquement et intellectuellement. Aujourd’hui, on considérerait plus le produit fini comme un clone que comme un androïde. Ils sont appelés Nexus, se déclinent en différents modèles (plaisir, travailleur, etc), servent principalement aux tâches ingrates (notamment pour la colonisation de Mars et possèdent une obsolescence programmée (ils meurent quand ils sont plus de piles, en gros). Deux points de détails sont à souligner : un Replicant ne possède pas la faculté d’empathie propre à l’être humain, le test Void-Khamph est notamment un des outils du Blade Runner pour déceler ce manque d’empathie ; il possède des souvenirs artificiels génériques ou bien issus de personnes réelles qui leur permettent de leur donner l’illusion de l’existence. Ce qui paraît logique, en leur offrant une vie, il travaille dans de meilleurs conditions psychiques (bien que ça reste des esclaves…)

Si Roy Batty ou Pris ont parfaitement conscience de leur statut factice, ce n’est pas le cas de Rachel – interprétée par Sean Young – à laquelle on a implanté les souvenir de la nièce de Tyroll et qui se croit absolument humaine. En d’autres termes, les Nexus-6 ont conscience de leur état (malgré eux ?), la génération suivante – Rachel – non. Si Rachel n’est pas humaine et n’en a pas conscience, se pourrait-il qu’il en soit de même pour Deckard ? La question est légitime, d’autant plus légitime qu’il n’est jamais  dit que Deckard ait été soumis au test Void-Khamph. Quand bien même il y aurait été soumis, le Blade Runner analyste aurait pu se faire berner tout comme Rachel aurait pu passer au travers des mails du test s’il avait été effectué par quelqu’un d’autre que le meilleurs des Blade Runners !

Avant de répondre à la question, il convient de s’attarder à la genèse du film et à l’opinion des différents intervenants.

  • Harrison Ford pense que Deckard n’est pas un Replicant.
  • Ridley Scott veut que Deckard soit un Replicant. Au cours d’une interview pour un documentaire autour du film, il lâche la bombe et affirme devant la caméra que Deckard est un Replicant.

Oui, certes, mais j’en envie de dire : Quelle est la légitimité de Ford ou Scott pour affirmer telle ou telle chose sur un personnage ? Et j’ai envie de répondre : aucune ! La véritable personne qu’il faut interroger, c’est le scénariste ! C’est lui qui pense les personnages, leurs émotions et leurs péripéties ! Ridley Scott est mignon, mais il n’est pas le seul porteur du film et tiré la couverture à lui sous prétexte qu’il est le garant artistique final ne justifie en rien son droit à briser des années de débat en le tranchant d’un abrupt et satisfait « He’s a Replicant. »

Si on pose la question à Hampton, le scénariste répondra qu’il a envisagé Deckard comme humain. Suite à un quiproquo sur une ligne du script où Deckard était sensé rencontrer son créateur (métaphore habituel de Dieu, qui prend une autre valeur dans un script comme celui de Blade Runner où on a déjà rencontré le personnage de Tyrell), l’autre scénariste Peoples découvre une faille dans laquelle l’un et l’autre ne manqueront pas de s’engouffrer.

La question de l’existentialisme apparaît dans le script de Blade Runner non plus au niveau des Nexus-6 (Roy Batty), mais au niveau de Deckard lui-même qui s’interroge alors sur sa propre identité. Toute l’intelligence du script est là : on ne donne pas de réponse à la question !

Mais on a peut-être glissé des indices. Indices qui au fil de l’interprétation des acteurs, des choix du directeur et de la sensibilité du spectateur finissent par créer autant d’interprétation qu’il y a d’intervenants, noyant peut-être l’idée originale des scénaristes dans la masse.

Mais voilà, et si les scénaristes avait eu un plan dans le plan non dévoilé. Alors interviennent autant de fan lambda comme moi qui y vont de leurs propres fantasmes pour dénouer le fil de la destinée de Deckard. Voilà, ce que je pense :

Deckard est-il un Replicant ? Oui, c’est même le Replicant de Gaff !

Mind-blowing instant!

C’est qui Gaff ? demanderont ceux qui ont vu le film moins d’une demi-douzaine de fois.

Gaff est le personnage joué par Edward James Olmos, le flic un peu taquin qui vient chercher Deckard pour l’amener voir Bryant, le flic qui est continuellement dans son dos et fait le mariole avec ses petits origamis au lieu de clairement dire ce qu’il pense. Gaff, quoi. Pendant très longtemps, je me suis demandé à quoi servait ce personnage… Rien, fut longtemps ma réponse.

Je pense qu’on est d’accord pour dire que Gaff et Deckard sont le jour et la nuit en terme de comportement et de fringues. Et surtout Deckard ne ressemble en rien à Gaff physiquement. C’est pas grave, c’est juste un corps. L’important, c’est que je crois que Deckard est un Replicant avec les souvenirs de Gaff !

Gaff est un inspecteur de police. Il marche avec une canne et boite énormément. Si on part du principe que cette canne et son handicap physique l’aient poussé vers cette carrière, on pourrait aisément l’imaginer comme un Blade Runner à la retraite. Comme Deckard. On pourrait même l’imaginer comme le meilleur Blade Runner de la profession. On pourrait même l’imaginer comme le type qui a grillé 2 des 6 replicants, et qu’il a été blessé à ce moment là. Son handicap physique l’empêchant de rattraper les 4 Replicants fuyards, la police (Bryant) fait appel à la Tyrell corps pour créer un nouveau Gaff, plus jeune, en parfaite condition physique, auquel on ajoute la mémoire de Gaff et son talent de Blade Runner.

Partant de cette conjecture folle, certains passages du film prennent une nouvelle dimension !

Au moment de partir avec Rachel à la fin, Deckard trouve un origami de licorne. Etrange. La licorne n’apparaît que dans les rêve de Deckard. Comment Gaff pourrait-il être au courant ? A moins de lui-même rêver d’une licorne…

File:BladeRunner Unicorn.jpg

J’ai dit que Gaff avait la désagréable habitude de communiquer avec Deckard en jouant avec des origamis. Au moment où Bryant expose la mission à Deckard, Gaff est présent dans le bureau (techniquement, il n’y a rien à y faire… sauf si…). L’origami qu’il présente à Deckad est une poule. Métaphore évidente de la « poule mouillé ». Gaff réagit de la manière dont il aurait réagi si (enfin… « quand » dans ma théorie) on lui avait proposé la mission : retrouver et buter 4 Nexus-6 en un minimum de temps, ça fait peur. Gaff sait donc ce que ressent Deckard à ce moment-là.

Après avoir rencontré Rachel, Deckard reçoit une autre surprise de Gaff. Un petit bonhomme en allumette avec ce qui ressemble très fortement à une érection. Ce que j’y lis moi, c’est « Je sais ce que tu penses de Rachel… moi aussi avant toi ».

Gaff prêterait donc son propre appartement en attendant que l’histoire soit résolue, Deckard évolue dans un environnement familier duquel il se sent pourtant détaché (cf. la scène du piano, tellement « aérienne » où l’on sent le pauvre Deckard en décalage avec son propre environnement). L’attachement aux vieilles photos en noir et blanc dont Deckard fait montre est un argument de plus pour la thèse du Replicant : en manque fondamental de preuves de sa propre identité, Deckard se rattache à des souvenirs matériels.

Après la scène finale et le monologue improvisé de Roy Batty, Gaff retrouve Deckard et le complimente d’un « you’ve done a man’s job, sir » dont les interprétations varient la façon dont on l’aborde. « Tu as fait un travail d’homme » littéralement peut devenir un bateau « t’as fait du bon boulot », un « tu as fait le boulot qui revient à un homme » ironique, voire même en poussant un peu « tu as fait mon boulot ».

Pendant une grosse partie du film, Gaff sert littéralement de chaperon à Deckard, jouant pour ainsi dire le rôle du taxi. Honnêtement, Deckard était présenté comme le meilleur des meilleurs. Cela impliquait nécessairement un permis de conduire et une liberté totale. En mettant Gaff qui suit chacun de ses faits et gestes (mais en lui laissant les parties physiques), Gaff s’assure que son Replicant suit l’enquête comme lui-même l’aurait effectuée. En faisant le taxi, c’est aussi un moyen de s’assurer que Deckard se fera pas la malle en cas de découvert fortuite sur sa propre identité.

Pourquoi le laisser partir à la fin ?

  • Le boulot est fait.
  • Remplacer des Blade Runner par des Replicant de Blade Runner, c’est viable (c’est d’autant plus viable que peu importe où ira Deckard, Gaff le saura puisque ce sont ses souvenirs et sa manière de réagir).
  • Un Replicant possède une durée de vie limitée, alors bon pourquoi s’enquiquiner plus que ça…
  • Ou bien tout simplement pour prouver un point : un Replicant – peu importe son boulot – reste un Replicant instable…

Mais il est alors intéressant de se poser la question de savoir si l’incident « Roy Batty » était bien un accident. Et si, tout cela n’était qu’un gigantesque complot/test pour tester la viabilité d’un Replicant pour traquer des Replicants ? Personnellement, j’y crois moins, mais la question mérite d’être posée dans le cadre d’un « Deckard est un réplicant ». Sans aller à parler de « complot », il est toujours assez alléchant de penser à la perfection d’un Nexus-7 (potentiellement le modèle de Rachel) pour traquer les imprévisibles Nexus-6

Allons un tout petit peu plus loin dans la réflexion autour de Gaff. Souvenez-vous de la phrase-clé du film :

« C’est dommage qu’elle ne vivra pas. Mais encore une fois, qui le fait »  à comprendre soit comme un « Elle ne sera jamais heureuse (vivre pleinement sa vie), mais qui l’est » ou plus littéralement « Elle va mourir. On meure tous ». La plupart des débats sur la Replicantitude de Deckard sont nés de cette phrase, répétée juste avant le noir final. A ce moment de la scène, Gaff se casse, laissant à Deckard une occasion de s’évanouir avec Rachel. Pas très professionnel… (même en admettant que c’est un humain, le laisser partir avec un Nexus, ça fait pas sérieux de sa part) Le rappel de la licorne à Deckard sonne désormais comme un « Je sais, maintenant tu le sais, profites-en ça va pas durer ».

Certains font aussi état des lueurs dans les yeux de Rachel et Deckard pour appuyer leur propos…

MAIS, et SI cette phrase ne s’appliquait pas seulement à Deckard mais à Gaff lui-même. Non en tant qu’humain, mais tant que Replicant !

Souvenez-vous, plus haut j’ai dit que les Nexus-6 avait conscience de leur état de Replicant ET de leur mortalité. Pas les Nexus-7 (ou l’équivalent du prototype de Rachel, donc du prototype de Deckard). Ajoutons, comme on a pu le voir dans le film avec Roy qui a de plus en plus de mal a se servir de ses mains, que les Nexus-6 ont une dégénérescence programmée, le boitement de Gaff ne serait plus l’effet d’un accident mais l’effet de la dégénérescence programmée, signe de sa proche fin de vie !

Deckard est un Nexus-7, Gaff un Nexus-6, héritier des souvenirs d’un Nexus-5, héritier d’un Nexus-4…  

Ce voudrait dont dire que, pendant des années, le meilleur tueur de Replicant était un Replicant cloné de génération en génération jusqu’à retourner aux origines des souvenirs et à ces incompréhensibles et anachroniques photos en noir et blanc dans l’appartement de Deckard, qui auraient en fait appartenues au premier vrai Blade Runner (ou à la première programmation du meilleur Blade Runner) !

Mind-blowing instant!

Gaff passe donc ainsi du personnage-taxi quasi-inutile à celui de personnage-clé. Nexus-6 en fin de vie, il devait s’assurer du transfert et de la validité de la prochaine génération. En laissant Deckard partir, Gaff rompt avec la chaîne, avec ses souvenirs et offre à Blade Runner une véritable libération de l’espèce artificielle chère à la science fiction, celle que cherchait Roy Batty à sa façon (et qu’il donne, aussi à sa façon, à Deckard avec le monologue final).

N’hésitez pas à commenter si vous adhérez ou non à tout ou partie de mes théories sur la Replicantitude de Deckard. L’une dans l’autre, le meilleur dans ce film, c’est de toujours arriver à la fin et – même aprés 2400 mots dans un article – ne jamais être sûr de rien !

Les Voies d’Anubis est un roman de science-fiction de Tim Powers. Pour être complétiste, il s’agit d’un roman de steampunk, l’un des trois qui a fondé ce mouvement littéraire. Et je vous invite à consulter l’article d’hier pour vous remettre à la page sur le steampunk.

Ma dernière chronique littéraire m’avait laissé sur un sentiment d’avoir lu un bouquin qui brassait une grande quantité de vent pour pas grand chose. Je passais donc avec un sentiment de soulagement mêlé d’inquiétude, car il est bien connu qu’un cycle de loose ne se résorbe généralement pas de lui-même. Surtout que, sur les conseils d’un vendeur, j’allais lire un auteur que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam. A propos de Tim Powers, il n’y a guère de détails croustillants à partager : il est prof à l’université, il a simplement créé un mouvement littéraire avec ses amis Jeter et Blaylock, il a aussi été un ami proche de Philip K. Dick, il a reçu quelques prix prestigieux pour certains de ses écrits (notamment pour les Voies d’Anubis – Prix mémorial Philip K. Dick 1983… entre autres) et que par défaut chacun d’eux a au moins été une fois nominé ici ou là.

Brendan Doyle est un rare expert mondial de Colleridge, un poète du début du 19e siècle. Il est contacté par un richissime industriel pour venir en Albion qui lui propose alors une somme rondelette et une opportunité unique : accompagner un groupe de touristes temporels qui va assister à une conférence de Colleridge en 1810 ! Bien évidemment, au moment du retour en 1983, rien ne se passe comme prévu et celui reste coincé dans le vieux Londres. Il va alors faire son possible pour essayer de retrouver une brèche temporelle qui le ramènerait à son époque. Seulement voilà, dans les bas-quartier de Londres, les sorciers égyptiens, les loups-garous, les sociétés secrètes, les clones et l’Histoire ne vont guère lui faciliter la vie…

Lu un peu en diagonale, en ne s’attachant qu’à la fin, on pourrait aisément arquer le sourcil et se demander comment un tel pitch arrive à tenir une structure narrative logique avec autant d’éléments aussi disparates. Et bien figurez-vous que non seulement elle tient la route mais elle est riche (dense, chargée, lourde même), sans accroc ni incohérence du début à la fin, et se permet, de surcroît, de flirter avec des personnages historiques (Colleridge et Lord Byron). Ça reste un véritable exercice de style et narratif parfaitement maîtrisé qui fait passer de nombreux autres livres pour de sombres bouses ! (Notamment les derniers que j’ai pu chroniqués.)

Les Voies d’Anubis est sans conteste l’un des meilleurs livres que j’ai pu lire depuis très, très, très longtemps. Je reconnais sans mal qu’il ne peut pas plaire à tout le monde, que le style littéraire recherché, la densité de l’histoire et ses multiples rebondissements (quoique parfois prévisibles) en rebuteront plus d’un. Mais je suppose que c’est ainsi, tant pis pour ceux qui passeront leur chemin…

Je pourrais trouver moult qualificatifs pour vous inciter à lire cette oeuvre, mais si vous aimez le steampunk, les sorciers, les loups-garous, les sauts dans le temps, l’ambiance début 19e et les romans indispensables dans une vraie bibliothèque SF, courez le chercher chez votre dealer de culture préféré !

Quant à moi, j’ai jeté un oeil aux quatrièmes de couvertures des autres productions de Tim Powers, et nulle doute que vous aurez l’occasion de lire d’autres chroniques de cet auteur que je classe désormais dans mes préférés aux côtés de Herbert et Dick.

Et une couverture très moche pour finir, une !