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The Machine : Affiche

The Machine est un film écrit et réalisé par Caradog W. James avec Caity Lotz (Arrow) et Toby Stephens (Black Sails)

Quelque part dans un futur incertain, c’est la guerre. Un chercheur travaille sur la création d’un androïde puissant, autonome et conscient pour une société rattachée au gouvernement qui cherche le soldat dispensable. Mais lui, tout ce qu’il veut c’est une alternative pour sauver l’âme de sa fille…

Donc, c’est un film avec des robots…

Ouaip.

Encore un truc qui parle d’intelligence artificielle, de machines conscientes et de la peur que ça provoque ?

Ouaip.

Du genre qu’on a vu des centaines de fois depuis Terminator, Ghost in the Shell, AI, Blade Runner et j’en passe ?

Ouaip.

Mais pourquoi t’as regardé ce Direct-To-DVD alors ?

Ya Caity Lotz…

Oh… OK…

J’avoue. Sans la perspective de passer une heure et demie en compagnie de la charmante Caity Lotz, il est fort probable que je ne me serais même pas intéressé à ce film, tant les thèmes qu’il aborde sont éculés et en manque d’un certain renouvellement. J’assume. D’autant plus qu’elle est très jolie.

Et la première bonne surprise du film était de voir que non seulement elle est jolie, mais en plus elle est crédible dans son rôle de nouvelle androïde innocente qui découvre la vie et durant les phases de combat où elle assume toutes ses cascades. Ceux qui ne la connaissent qu’à travers son rôle de Black Canary dans Arrow pourront la découvrir dans une gamme d’émotions nettement plus large.

Elle est accompagnée par Toby Stephens, plus monolithique dans son interprétation d’un scientifique obsédé par l’idée de sauver sa fille malade, plus froid, moins attachant. Ce qui n’est pas sans donner une nouvelle dimension au film en comparant les émotions de l’humain et les émotions de la non-humaine.

En marge de cela, il faut bien juger le film sur autre chose que Caity Lotz. J’en conviens et le tableau devient un peu moins attrayant. Comme suspecté en voyant la bande-annonce, les thèmes sont exploités sans une once d’originalité et dans un contexte qui aurait gagné à être simplifié. Il aurait été plus judicieux de sortir le film de son espèce de guerre froide avec la Chine et de mettre dans un cadre nettement plus intimiste (une simple corporation d’ingénierie militaire par exemple) avec en ligne de mire le profit et des conflits plus proche de nous (Afghanistan, Syrie…). Les thèmes liés à l’intelligence artificielle sont classiques (quelle est la différence entre l’intelligence et l’artifice de l’intelligence ? une machine pensante est-elle la fin de l’humanité ? une machine peut-elle avoir des sentiments ? qu’est-ce que la vie ?) et sûrement un peu gâchés par l’aspect machine de guerre.

The Machine : Photo Caity Lotz

Bref, on ne réinvente rien. Et dans les mêmes thématiques, je pense qu’il faudra mieux se pencher sur Her de Spike Jonze. Une véritable merveille et qui a le bon goût de proposer plus que la réflexion sur la vie artificielle en proposant l’exorcisme de la relation du réalisateur avec Sofia Coppola (où comment deux êtres qui s’aiment peuvent être amenés à accepter qu’ils ne sont plus en phase pour être ensemble, l’autre version de l’histoire Lost in Translation par Coppola en fait). Je ne ferai pas de chronique sur Her, sachez juste qu’il faut le voir absolument. Point barre !

Her : Affiche

Si ça c’est pas une affiche qui vous motive à mater ce film, je sais pas ce qu’il vous faut !

Fin de la parenthèse Her.

La réalisation de The Machine est agréable sans être renversante, et le directeur photo a visiblement été à l’école J.J. Abrams pour nous coller du lens flare dans tous les plans ou presque. On est rendus bien bas pour désormais associer science-fiction et lens flares ! Le grain de l’image est assez sale et couplé au son de synthé qui rappelle inlassablement Vangelis, il est fort possible que le film fasse une référence-hommage appuyée à la décennie 80 et revendique ses influences maître-étalon que sont Blade Runner et Terminator.

Avec un million de £ au compteur, The Machine tiendrait plus de la série B fauchée mais elle se révèle de très bonne facture en jouant sur un certain minimalisme et des effets spéciaux discrets et propre. Et pour de la série B, c’est plutôt bon ! Certains pourront lui reprocher la dernière partie action avec la « libération » de la machine et la fin « Skynet », j’aurais pour ma part tendance à mettre au pilori la relation floue entre le scientifique et sa création, qui s’assume mal en naviguant entre plusieurs eaux (amants ? parents ? prof-élèves ?)… Le méchant est vraiment pas terrible non plus (alerte aux clichés).

The Machine : Photo

Et un lens flare pour la route !

J’étais venu pour Caity Lotz, je suis tombé sur une bonne surprise. Pas une pépite, mais une surprise.

The Machine se situe quelque part entre Blade Runner et Her, deux films que je vous recommande. Je reste persuadé que beaucoup feront l’impasse sur cette série B qui n’est pourtant pas dénuée d’intérêt grâce à la très bonne prestation de Caity Lotz. Les amateurs de la belle y trouveront leur compte, les amateurs du genre auront un petit bonbon à sucer en lieu et place d’un n-ième visionnage des grands classiques de la SF traitant d’intelligence artificielle. Une curiosité vraiment recommandable en dépit de ses défauts.

Et une bande-annonce pourrie, une !

Et ça, c’est cadeau !

Blade Runner est un film qui, plus de trente ans après sa sortie, n’en finit pas d’attiser les débats et les esprits autour de ses thèmes et ses questions sans réponse. Il s’agit pour moi de l’un des films les plus brillants de la création et je ne me lasse ni de le revoir, ni d’en parler.

Pour mémoire, j’ai déjà expliqué en long, en large et en travers mon point de vue sur LA question qui enflamme les esprits : Deckard est-il un replicant ? Si ce n’est déjà fait, je vous invite à le lire ou le relire en préambule de cet article (ce qui vous permettra de vous remettre en mémoire les différents personnages : Deckard, Gaff et Rachel).

Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à un élément central de la question susnommée : la licorne !

Pour mémoire encore, je vous propose de visionner la séquence onirique en question :

Pourquoi cette licorne est-elle au cœur du débat ? Parce qu’elle apparaît à la fin du film, sous forme d’origami laissé par Gaff. Parce qu’elle apparaît en rêve à Deckard dans une séquence qui, remise dans son contexte, n’a pas grand chose à voir avec la choucroute d’un film noir, de surcroît un film noir qui lorgne du côté du cyberpunk. Ce n’est qu’un plan éthéré de quelques secondes bien what-the-fuckesque, qui suivant son introduction ou pas dans le film change radicalement la donne de sa lecture globale. Car, oui, suivant les montages (5 officiels au total), la licorne apparaît ou disparaît du film.

L’origami de la licorne est présent dans le script originel du scénariste Hampton Fancher. La licorne qui court au ralenti crinière au vent, elle, ne l’est pas. L’ajout de la licorne est donc un ajout et une volonté du réalisateur Ridley Scott. (Cela dit en passant, la disparition du rêve de la licorne défendu bec et ongles par Scott est à mettre en premier lieu sur le dos des studios jugeant la séquence, je cite, « trop arty ». En d’autres termes, « le spectateur moyen il est con, faut pas trop lui en demander avec les plans sans intérêt ». Ce qui explique qu’il faille attendre la première Director’s Cut pour voir apparaître la licorne.)

D’un côté, nous avons Fancher qui dit avoir débuté l’écriture du film en pensant Deckard comme un humain mais a choisi de laisser l’interprétation finale de sa nature au spectateur. De l’autre, nous avons Scott qui ne sait jamais caché de dire que Deckard était un androïde. Si l’on brandit le scénario en s’établissant sur les faits, la balance penche du côté des pro-humains. Ceci dit, on aurait tort de baser son argumentation uniquement sur un point de détail qui apparaît ou disparaît suivant les montages.

Mais avant de s’attarder sur cette courte séquence, il convient de se poser une première question : pourquoi diable ce coquin de Gaff laisse-t-il une licorne en papier argenté à la fin ? Pourquoi ne laisse-t-il donc pas un bateau en papier plutôt ? C’est plus facile à faire et ça dit clairement « je vous laisse prendre le large tout pareil » me direz-vous.

Afin de mettre tout le monde d’accord et qu’on parte sur les mêmes bases, compte tenu du fait que l’origami de la licorne apparaît dans la scène où Deckard décide de s’enfuir avec Rachel, juste après que ce dernier lui ait rappelé « Too bad she won’t last », la licorne (au moins dans sa version papier) représente de façon plus qu’évidente le personnage de Rachel. J’en veux pour preuve définitive la croyance populaire que la licorne est un animal sauvage qui ne peut vivre qu’en forêt et dépérit en milieu urbain : quel est la dernière scène du script (l’endroit où Deckard emmène Rachel) ?

EXT. WOODS – DAY

Rappelons enfin que la licorne est en papier métal, ce qui se passe d’explications quant à son affiliation au replicant.

Et pour mieux comprendre pourquoi cet animal et non une cocotte en papier, il faut revenir sur les symboliques propres à la licorne (a fortiori les symboles occidentaux, plus proches de la culture « naturelle » du scénariste).

  1. La licorne représente la dualité et l’union des contraires, de part son aspect mi-cheval, mi-chèvre et re mi-cheval derrière mais aussi de part la torsade de sa corne. Elle présente la dualité de l’être, à cheval (sans mauvais jeu de mot) entre sa condition mécanique et ses aspirations humaines.
  2. D’après les légendes, seule une vierge peut approcher et toucher une licorne. De tous les qualificatifs qu’il est possible d’appliquer à Rachel, virginal est l’un des plus appropriés. Dans le même genre d’idées, la licorne est aussi symbole de pureté.
  3. Si l’on en croit certaines interprétations, la licorne est un animal « entre le ciel et la terre ». La position de sa corne, au niveau du troisième œil, est comme une projection verticale de celui-ci, un lien entre les forces telluriques et les forces cosmiques. Pour être plus explicite, un animal qui appelle à la transcendance vers le divin. Le divin, dans Blade Runner, c’est Tyrell : celui qui fabrique l’homme… les replicants. (La symbolique du divin est aussi une thématique du film qui mériterait un approfondissement)
  4. Toujours dans la symbolique divine et notamment chrétienne, la licorne représente la Vierge Marie fécondée par l’esprit Saint, puis par extension le Christ. Le fils de Dieu, Tyrell, dans le cas qui nous intéresse.
  5. La licorne est aussi un symbole d’amour, liant la pureté de la robe blanche à la femme (couleur souvent associé à la femme et à la lune (bien que cette dernière – suivant les religions – puisse représenter l’homme)) (rappelons encore que seule une femme peut approcher une licorne) et l’homme avec cet évident symbole phallique au milieu du front. La seule intrigue amoureuse du film (à l’exception notoire du couple Roy-Pris) lie Rachel et Deckard.
  6. La licorne, c’est aussi le symbole de l’exclusion, le cheval qui n’en est pas un. L’humaine qui n’en est pas une…

File:Domenichounicorndetail.jpg

Pour les pro-humains de la thèse Deckard, j’en profite pour leur donner un peu d’eau afin d’alimenter deux moulins:

  • La licorne est un animal mythique dont l’existence reste sujet à caution et appartient plus au domaine du fantasme qu’à la réalité. Rachel symbolise donc l’animal mythique de Tyrell, le replicant parfait, l’humain artificiel. De part sa nature unique et fantasmée, la licorne ne représente qu’une seule personne, qu’un seul répliquant qui s’ignorait. Rachel. Pas Deckard.
  • Si la licorne est bien l’union des contraires, elle ne symbolise non pas Rachel, mais Rachel ET Deckard. L’homme et la femme, l’humain et l’androïde.

Mais si Gaff connaît la véritable nature de Rachel (et Deckard, peu importe qu’il soit 100% humain ou pas d’ailleurs), quel est alors son dernier message ?

  • L’interprétation bisounours : Rachel est une licorne et doit retourner à son milieu naturel (les bois de la dernière scène), loin des hommes.
  • L’interprétation sectaire: L’androïde au milieu des Hommes, pour rappeler que la licorne symbolise l’exclusion. Par extension, Gaff avertit Deckard que quoi qu’il fasse, elle ne sera jamais comme lui et qu’il ne pourra pas vivre longtemps avec cette chimère. A cause de la date de péremption de Rachel ou, a contrario, dela vieillesse de Deckard qui ne pourra plus s’accorder à l’éternelle jeunesse de sa compagne puisque la date de péremption du modèle de Rachel n’a jamais été abordée voire même carrément supprimé si l’on en croit une ligne de script.
  • L’interprétation réaliste : Rachel est un fantasme. Un rêve. Et comme tous les rêves, il prendra fin de façon abrupte (« Too bad she won’t last »). Gaff sait que Deckard va récupérer et s’enfuir avec sa licorne, il lui rappelle simplement une dernière fois la dure réalité de sa condition « d’espèce disparue ».
  • L’interprétation chasseur : Si Gaff associe Rachel la replicante à une licorne, on peut alors rapprocher la traque de Deckard à l’une des nombreuses chasse à la licorne qui parsème Histoire. En laissant une licorne métallique à Deckard, Gaff lui envoie deux messages que je ne trouve pas dénué d’intérêt pour un épilogue : 1. Au cas où t’es pas au courant, Rachel est une androïde et 2. si tu te casses avec elle, la chasse reprend et c’est moi qui viens la chercher.

Là-dessus arrive le Final Cut, avec l’insertion du plan de la licorne tandis que Deckard joue du piano tandis qu’il est passablement bourré. La couche d’interprétations par dessus la couche d’interprétations relance le débat sur la véritable nature de Deckard et comment Gaff peut-il s’avoir que Deckard a eu cette vision de licorne pour faire à la fin un origami de licorne ? En d’autres termes, la symbolique de licorne se déplace(-rait) de Rachel à Deckard, lâchant la bombe Deckard = Replicant.

Et à ce propos, je rappelle la symbolique 4. sus-présentée

On voit plus un flash qu’un réel rêve. Mais même si ce n’est qu’un flash, qu’est-ce qui le déclenche ?

  • Rachel, et par une association d’idée, c’est une licorne et sa pureté qui lui sont renvoyés. (Oui, je mets toutes les interprétations bisounours que je trouve)
  • Lui-même, en quête d’une identité devant ses photos anachroniques. Il se pose de grandes questions métaphoriques sur sa propre existence comme la plupart des mecs bourrées ; il voit l’image de cheval mythique. Admettons. Si ma théorie Gaff = Deckard tient la route, il est logique de penser que Gaff a lui-même eu ces mêmes interrogations et qu’il a vu la même image, d’où son message à l’épilogue. C’est ainsi que j’aime analyser le Final Cut, alors que je crois sincèrement préférer le script sans ce plan pour laisser plus de latitude au spectateur de se faire sa petite masturbation intellectuelle sur les agissements de Gaff.
  • Le script de base fait clairement référence aux implants, ceux de Rachel. Dans le cadre de l’hypothèse Deckard = Replicant, l’explication la plus logique est d’associer le rêve de la licorne à un implant mémoriel (qu’il soit commun à tous les replicants, à cette génération, à ce modèle ou à cette mémoire en particulier pour justifier ma théorie Deckard = Gaff –  ce dernier ayant eu les mêmes visions pour être de la même « souche mémorielle »). D’un point de vue strictement technique, ça se tient et on pourrait s’en tenir là. Cela explique aussi pourquoi Gaff lui laisse un dernier message, façon « Tu sais. Je sais. Maintenant, tu sais que je sais » avec un très optionnel « Profites-en, ça va pas durer parce que 1. vous avez une durée de vie limitée ou plus probablement 2. je vais vous traquer ». Personnellement, je trouve plus intéressant de ne pas entériner l’idée de l’implant. Essentiellement parce que le rêve de la licorne est absent du script.
  • Rien de particulier. Et c’est ici que le film fait de la mise en abîme. La licorne est utilisée comme message subliminal. Deckard est en train de chasser des Replicants, c’est son boulot. Il est déchiré par l’alcool et c’est l’image d’une licorne qui arrive, indépendamment d’un implant ou quoi que ce soit. C’est une image, et Deckard (tout comme le spectateur) l’associe à ce qu’il vit : la déprime existentielle bourré suite à la traque de replicants (rappel : chasse au replicant = chasse à la licorne). A la fin du film, Gaff laisse une licorne métallique ; cette référence à la licorne s’intègre alors aux codes du film noir, celui où le traqueur (le flic borderline généralement) n’est pas réellement différent de celui qu’il traque (le méchant pas si méchant, même Roy). Deckard « rêvant » précédemment d’une licorne reçoit un message définitif sur sa propre condition (Rachel = replicant = licorne = Deckard), message qu’il accueille comme une demi-surprise avec ce bref hochement de tête en prenant la licorne.

Ceux qui veulent encore pousser l’analogie de la licorne comme avatar de Deckard peuvent s’appuyer sur la croyance populaire que seule une jeune femme vierge peut s’approcher et dompter une licorne. La vierge en question étant bien évidemment l’innocente Rachel.

On pourrait encore palabrer des heures sur cette licorne, pousser encore plus loin la psychanalyse de l’animal en toquant à la porte de Jung ou en remontant ses traces de sabots dans les différentes mythologies, mais on va se forcer à conclure en relançant le débat sans fin sur la nature de Deckard avec une autre interprétation de la théorie de la licorne :

Si appliquée au Replicant la licorne symbolise à la fois l’Amour et la Chasse, alors un humain est envoyé chasser des replicants et une replicante tombe amoureuse d’un humain. Mais si le replicant est envoyé chasser des replicant, si la replicante tombe amoureuse d’un répliquant, n’y a-t-il alors plus aucune dualité, donc plus aucun conflit ?

Blade Runner est une source intarissable de discussions et d’interrogations, un film qui mérite son statut culte et réserve peut-être encore de nombreux articles sur ce blog (symbolique de l’œil, des animaux, la représentation de Dieu, l’identité de soi, la mémoire…)

Et pas une seule fois on n’aura parlé de moi !

L’avantage des fins/débuts d’année, c’est qu’on a l’immense privilège de subir des bilans en tout genre de la part de tout le monde. Bien sûr, je n’échappe pas à la règle non plus mais au moins, je ne vous inflige pas des bétisiers best-of avec des images d’archives datant de 1982…

Il me semblait intéressant de faire comme l’année dernière et de vous proposer quelques chiffres sur mon blog. Alors que faut-il retenir ?

Que le blog a vu sa fréquentation journalière, donc mensuelle, donc annuelle, augmenter pour atteindre 25000 visiteurs à l’année. Le nouvel objectif pour l’année 2014 est de faire mieux. Cela dépendra bien évidemment de mes projets et de leur taux d’attractivité, mais j’en parlerai le moment propice.

En parlant de visiteurs, le commentateur le plus acharné est – sans surprise – Naja qui explose la concurrence de ses mots. Big-up à Jess et JB qui sont respectivement 3 et 4ième dans le classement des meilleurs posteurs 2013.

Sur l’année 2013, les articles les plus compulsés furent:

  1. Les versions « Unrated », ce mal ordinaire… (1 243 vues) : La surprise de l’année, d’autant plus que l’article date de début 2012…
  2. Young Justice – Saison 2 (735 vues) : Comme quoi l’annulation de cette bonne série animée reste en travers de la gorge de beaucoup…
  3. N’aie pas peur de la lumière (704 vues) : Le grand classique qui attire les petites filles.
  4. Hélène et les Garçons – Episodes 1-150 (548 vues) : Je ne m’y attendais pas, comme quoi la nostalgie a du bon.
  5. Marilyn Monroe: the Final Days (505 vues) : je ne suis pas certain que ceux qui tombent chez moi avec la recherche « Marilyn Monroe corps » s’attendait à cela…
  6. Les Mystères de l’Amour – Saison 3 (499 vues) : Et pas la saison 4…
  7. Les Mystères de l’Amour – Saison 2 (457 vues) : La saison du n’imp’
  8. Les Mystères de l’Amour – Saison 2.5 (359 vues) : …
  9. Blade Runner: Deckard est-il un Replicant ? (351 vues) : probablement le seul article vraiment intelligent que j’ai pu pondre en 2013
  10. Lapinou year 2013 ! (347 vues) : Merci les lapins crétins

J’aurais aimé que l’article disséquant mon point de vue sur Blade Runner se classe plus haut, mais les discussions que j’aborde à l’intérieur sont visiblement réservées à un public de niche. Je suis toujours étonné que des gens cherchent encore des codes de cartes Bella Sara et donc tombent sur la médaille de bronze du classement. Enfin, on constatera que mes critiques des séries estampillées JLA sont littéralement mon fond de commerce, voilà qui donne un peu de consistance à mes envies de lui envoyer ma candidature =). Au rang des absents, le premier article concernant mes aventures à Dubai ne se classe pas avant la 18ième place.

Pour les plus curieux, le rapport complet avec des feux d’artifice (sans Burj Khalifa) est à consulter ici.

Sur ce, on est parti pour une nouvelle année de blogging à rythme sporadiquement soutenu !

Une fois n’est pas coutume, intéressons à une analyse de film. Un peu comme ce que j’avais fait pour Twin Peaks. A savoir, c’est mon blog, j’y raconte ce que je veux, a fortiori ce que je pense (même si je ne suis peut-être pas le seul à le penser). Et aujourd’hui, on va s’intéresser à une des plus grandes interrogations autour du plus culte des films de science-fiction : Blade Runner, réalisé par Ridley Scott, scénario de Hampton Fancher et David Webb Peoples, avec Harrison Ford et Rutger Hauer.

Deckard est-il un Replicant ?

L’article est long, je vais dire « oui » tout de suite, pour vous forcer à aller lire les preuves plus bas. Mais avant toute chose, il convient de faire un petit point. Plusieurs en fait.

  1. Ceux qui n’ont jamais vu Blade Runner sont priés de s’esquiver pendant que j’ai le dos tourné (afin que je ne sache pas qui c’est) et d’aller mater le film illico. Bien évidemment, ça risque de spoiler à mort
  2. Il existe 7 versions différentes de Blade Runner. 7 ! Certaines anecdotiques, d’autres changeant les interprétations du tout au tout. Celle de 1982 sortie en salle US par exemple fait la part belle à une happy end moisi pour ne pas déstabiliser ceux qui ne connaissaient Harrison qu’à travers ses rôles récents de Han Solo et Indiana Jones. Afin que tout le monde parte sur la même base, on va étudier la Director’s Cut finale de 2007, sensée correspondre à la vision de Ridley Scott. Ce n’est pas nécessairement ma préférée, mais c’est la plus aboutie et la plus intemporelle (disons qu’on n’a pas l’impression que le film a déjà 30 ans).
  3. Cette analyse n’implique que moi et probablement d’autres personnes qui ont dû dire la même chose ailleurs sur la toile, j’ai pas tout vérifier. Si on est plusieurs, ça pourrait impliquer qu’on ait raison. De toute façon, jamais on aura la réponse à la question et c’est d’autant mieux de préserver cette part de doute autour de l’origine de Deckard. Disons que j’essaie de faire avancer le débat et le mythe.

File:Blade Runner poster.jpg

Maintenant que tout est aplani, commençons avec une analyse de la question, comme on m’a appris en cours quand on se lançait dans une dissertation de philo. Deckard est-il un Replicant ?

  • Deckard est le héros de Blade Runner, interprété par Harrison Ford. Deckard est un Blade Runner à la retraite, retiré des affaires. Un Blade Runner est le nom donné à un agent de cette section particulière de la police chargée de traquer et retirer (bousiller, quoi) des replicants. Si on rappelle Deckard à rempiler, c’est tout simplement parce qu’il s’agit du meilleur et qu’il a 4 replicant qui viennent d’arriver illégalement sur Terre et qu’ils sont pas spécialement jouasses vis-à-vis de leur créateur.
  • Est-il. Bon, bah, c’est un état. Une constante qui définit son identité profonde.
  • Un Replicant. Un Replicant est un être artificiel créé de toute pièce, un machine génétique identique à l’être humain mais supérieurement développée physiquement et intellectuellement. Aujourd’hui, on considérerait plus le produit fini comme un clone que comme un androïde. Ils sont appelés Nexus, se déclinent en différents modèles (plaisir, travailleur, etc), servent principalement aux tâches ingrates (notamment pour la colonisation de Mars et possèdent une obsolescence programmée (ils meurent quand ils sont plus de piles, en gros). Deux points de détails sont à souligner : un Replicant ne possède pas la faculté d’empathie propre à l’être humain, le test Void-Khamph est notamment un des outils du Blade Runner pour déceler ce manque d’empathie ; il possède des souvenirs artificiels génériques ou bien issus de personnes réelles qui leur permettent de leur donner l’illusion de l’existence. Ce qui paraît logique, en leur offrant une vie, il travaille dans de meilleurs conditions psychiques (bien que ça reste des esclaves…)

Si Roy Batty ou Pris ont parfaitement conscience de leur statut factice, ce n’est pas le cas de Rachel – interprétée par Sean Young – à laquelle on a implanté les souvenir de la nièce de Tyroll et qui se croit absolument humaine. En d’autres termes, les Nexus-6 ont conscience de leur état (malgré eux ?), la génération suivante – Rachel – non. Si Rachel n’est pas humaine et n’en a pas conscience, se pourrait-il qu’il en soit de même pour Deckard ? La question est légitime, d’autant plus légitime qu’il n’est jamais  dit que Deckard ait été soumis au test Void-Khamph. Quand bien même il y aurait été soumis, le Blade Runner analyste aurait pu se faire berner tout comme Rachel aurait pu passer au travers des mails du test s’il avait été effectué par quelqu’un d’autre que le meilleurs des Blade Runners !

Avant de répondre à la question, il convient de s’attarder à la genèse du film et à l’opinion des différents intervenants.

  • Harrison Ford pense que Deckard n’est pas un Replicant.
  • Ridley Scott veut que Deckard soit un Replicant. Au cours d’une interview pour un documentaire autour du film, il lâche la bombe et affirme devant la caméra que Deckard est un Replicant.

Oui, certes, mais j’en envie de dire : Quelle est la légitimité de Ford ou Scott pour affirmer telle ou telle chose sur un personnage ? Et j’ai envie de répondre : aucune ! La véritable personne qu’il faut interroger, c’est le scénariste ! C’est lui qui pense les personnages, leurs émotions et leurs péripéties ! Ridley Scott est mignon, mais il n’est pas le seul porteur du film et tiré la couverture à lui sous prétexte qu’il est le garant artistique final ne justifie en rien son droit à briser des années de débat en le tranchant d’un abrupt et satisfait « He’s a Replicant. »

Si on pose la question à Hampton, le scénariste répondra qu’il a envisagé Deckard comme humain. Suite à un quiproquo sur une ligne du script où Deckard était sensé rencontrer son créateur (métaphore habituel de Dieu, qui prend une autre valeur dans un script comme celui de Blade Runner où on a déjà rencontré le personnage de Tyrell), l’autre scénariste Peoples découvre une faille dans laquelle l’un et l’autre ne manqueront pas de s’engouffrer.

La question de l’existentialisme apparaît dans le script de Blade Runner non plus au niveau des Nexus-6 (Roy Batty), mais au niveau de Deckard lui-même qui s’interroge alors sur sa propre identité. Toute l’intelligence du script est là : on ne donne pas de réponse à la question !

Mais on a peut-être glissé des indices. Indices qui au fil de l’interprétation des acteurs, des choix du directeur et de la sensibilité du spectateur finissent par créer autant d’interprétation qu’il y a d’intervenants, noyant peut-être l’idée originale des scénaristes dans la masse.

Mais voilà, et si les scénaristes avait eu un plan dans le plan non dévoilé. Alors interviennent autant de fan lambda comme moi qui y vont de leurs propres fantasmes pour dénouer le fil de la destinée de Deckard. Voilà, ce que je pense :

Deckard est-il un Replicant ? Oui, c’est même le Replicant de Gaff !

Mind-blowing instant!

C’est qui Gaff ? demanderont ceux qui ont vu le film moins d’une demi-douzaine de fois.

Gaff est le personnage joué par Edward James Olmos, le flic un peu taquin qui vient chercher Deckard pour l’amener voir Bryant, le flic qui est continuellement dans son dos et fait le mariole avec ses petits origamis au lieu de clairement dire ce qu’il pense. Gaff, quoi. Pendant très longtemps, je me suis demandé à quoi servait ce personnage… Rien, fut longtemps ma réponse.

Je pense qu’on est d’accord pour dire que Gaff et Deckard sont le jour et la nuit en terme de comportement et de fringues. Et surtout Deckard ne ressemble en rien à Gaff physiquement. C’est pas grave, c’est juste un corps. L’important, c’est que je crois que Deckard est un Replicant avec les souvenirs de Gaff !

Gaff est un inspecteur de police. Il marche avec une canne et boite énormément. Si on part du principe que cette canne et son handicap physique l’aient poussé vers cette carrière, on pourrait aisément l’imaginer comme un Blade Runner à la retraite. Comme Deckard. On pourrait même l’imaginer comme le meilleur Blade Runner de la profession. On pourrait même l’imaginer comme le type qui a grillé 2 des 6 replicants, et qu’il a été blessé à ce moment là. Son handicap physique l’empêchant de rattraper les 4 Replicants fuyards, la police (Bryant) fait appel à la Tyrell corps pour créer un nouveau Gaff, plus jeune, en parfaite condition physique, auquel on ajoute la mémoire de Gaff et son talent de Blade Runner.

Partant de cette conjecture folle, certains passages du film prennent une nouvelle dimension !

Au moment de partir avec Rachel à la fin, Deckard trouve un origami de licorne. Etrange. La licorne n’apparaît que dans les rêve de Deckard. Comment Gaff pourrait-il être au courant ? A moins de lui-même rêver d’une licorne…

File:BladeRunner Unicorn.jpg

J’ai dit que Gaff avait la désagréable habitude de communiquer avec Deckard en jouant avec des origamis. Au moment où Bryant expose la mission à Deckard, Gaff est présent dans le bureau (techniquement, il n’y a rien à y faire… sauf si…). L’origami qu’il présente à Deckad est une poule. Métaphore évidente de la « poule mouillé ». Gaff réagit de la manière dont il aurait réagi si (enfin… « quand » dans ma théorie) on lui avait proposé la mission : retrouver et buter 4 Nexus-6 en un minimum de temps, ça fait peur. Gaff sait donc ce que ressent Deckard à ce moment-là.

Après avoir rencontré Rachel, Deckard reçoit une autre surprise de Gaff. Un petit bonhomme en allumette avec ce qui ressemble très fortement à une érection. Ce que j’y lis moi, c’est « Je sais ce que tu penses de Rachel… moi aussi avant toi ».

Gaff prêterait donc son propre appartement en attendant que l’histoire soit résolue, Deckard évolue dans un environnement familier duquel il se sent pourtant détaché (cf. la scène du piano, tellement « aérienne » où l’on sent le pauvre Deckard en décalage avec son propre environnement). L’attachement aux vieilles photos en noir et blanc dont Deckard fait montre est un argument de plus pour la thèse du Replicant : en manque fondamental de preuves de sa propre identité, Deckard se rattache à des souvenirs matériels.

Après la scène finale et le monologue improvisé de Roy Batty, Gaff retrouve Deckard et le complimente d’un « you’ve done a man’s job, sir » dont les interprétations varient la façon dont on l’aborde. « Tu as fait un travail d’homme » littéralement peut devenir un bateau « t’as fait du bon boulot », un « tu as fait le boulot qui revient à un homme » ironique, voire même en poussant un peu « tu as fait mon boulot ».

Pendant une grosse partie du film, Gaff sert littéralement de chaperon à Deckard, jouant pour ainsi dire le rôle du taxi. Honnêtement, Deckard était présenté comme le meilleur des meilleurs. Cela impliquait nécessairement un permis de conduire et une liberté totale. En mettant Gaff qui suit chacun de ses faits et gestes (mais en lui laissant les parties physiques), Gaff s’assure que son Replicant suit l’enquête comme lui-même l’aurait effectuée. En faisant le taxi, c’est aussi un moyen de s’assurer que Deckard se fera pas la malle en cas de découvert fortuite sur sa propre identité.

Pourquoi le laisser partir à la fin ?

  • Le boulot est fait.
  • Remplacer des Blade Runner par des Replicant de Blade Runner, c’est viable (c’est d’autant plus viable que peu importe où ira Deckard, Gaff le saura puisque ce sont ses souvenirs et sa manière de réagir).
  • Un Replicant possède une durée de vie limitée, alors bon pourquoi s’enquiquiner plus que ça…
  • Ou bien tout simplement pour prouver un point : un Replicant – peu importe son boulot – reste un Replicant instable…

Mais il est alors intéressant de se poser la question de savoir si l’incident « Roy Batty » était bien un accident. Et si, tout cela n’était qu’un gigantesque complot/test pour tester la viabilité d’un Replicant pour traquer des Replicants ? Personnellement, j’y crois moins, mais la question mérite d’être posée dans le cadre d’un « Deckard est un réplicant ». Sans aller à parler de « complot », il est toujours assez alléchant de penser à la perfection d’un Nexus-7 (potentiellement le modèle de Rachel) pour traquer les imprévisibles Nexus-6

Allons un tout petit peu plus loin dans la réflexion autour de Gaff. Souvenez-vous de la phrase-clé du film :

« C’est dommage qu’elle ne vivra pas. Mais encore une fois, qui le fait »  à comprendre soit comme un « Elle ne sera jamais heureuse (vivre pleinement sa vie), mais qui l’est » ou plus littéralement « Elle va mourir. On meure tous ». La plupart des débats sur la Replicantitude de Deckard sont nés de cette phrase, répétée juste avant le noir final. A ce moment de la scène, Gaff se casse, laissant à Deckard une occasion de s’évanouir avec Rachel. Pas très professionnel… (même en admettant que c’est un humain, le laisser partir avec un Nexus, ça fait pas sérieux de sa part) Le rappel de la licorne à Deckard sonne désormais comme un « Je sais, maintenant tu le sais, profites-en ça va pas durer ».

Certains font aussi état des lueurs dans les yeux de Rachel et Deckard pour appuyer leur propos…

MAIS, et SI cette phrase ne s’appliquait pas seulement à Deckard mais à Gaff lui-même. Non en tant qu’humain, mais tant que Replicant !

Souvenez-vous, plus haut j’ai dit que les Nexus-6 avait conscience de leur état de Replicant ET de leur mortalité. Pas les Nexus-7 (ou l’équivalent du prototype de Rachel, donc du prototype de Deckard). Ajoutons, comme on a pu le voir dans le film avec Roy qui a de plus en plus de mal a se servir de ses mains, que les Nexus-6 ont une dégénérescence programmée, le boitement de Gaff ne serait plus l’effet d’un accident mais l’effet de la dégénérescence programmée, signe de sa proche fin de vie !

Deckard est un Nexus-7, Gaff un Nexus-6, héritier des souvenirs d’un Nexus-5, héritier d’un Nexus-4…  

Ce voudrait dont dire que, pendant des années, le meilleur tueur de Replicant était un Replicant cloné de génération en génération jusqu’à retourner aux origines des souvenirs et à ces incompréhensibles et anachroniques photos en noir et blanc dans l’appartement de Deckard, qui auraient en fait appartenues au premier vrai Blade Runner (ou à la première programmation du meilleur Blade Runner) !

Mind-blowing instant!

Gaff passe donc ainsi du personnage-taxi quasi-inutile à celui de personnage-clé. Nexus-6 en fin de vie, il devait s’assurer du transfert et de la validité de la prochaine génération. En laissant Deckard partir, Gaff rompt avec la chaîne, avec ses souvenirs et offre à Blade Runner une véritable libération de l’espèce artificielle chère à la science fiction, celle que cherchait Roy Batty à sa façon (et qu’il donne, aussi à sa façon, à Deckard avec le monologue final).

N’hésitez pas à commenter si vous adhérez ou non à tout ou partie de mes théories sur la Replicantitude de Deckard. L’une dans l’autre, le meilleur dans ce film, c’est de toujours arriver à la fin et – même aprés 2400 mots dans un article – ne jamais être sûr de rien !

Tous les dimanches, je mets en ligne une source d’inspiration pour l’écriture de mon roman Lithium Breed. Ca peut être une photographie, une chanson, une phrase… Par contre, je dis pas pourquoi ou pour quoi ça m’a parlé et la façon dont c’est digéré dans l’écriture : c’est juste pour le plaisir des yeux et/ou des oreilles (et vilement faire revenir les habitués aussi le dimanche !).

C’est parfaitement inutile, donc parfaitement  indispensable.

Aujourd’hui : Blade Runner et cette scène où Deckard se prend des nouilles sur un coin de table d’une échoppe de rue. Parce que – quoi que j’écrive –  il y a toujours une part de mon film préféré dedans !