Tyranny est un jeu développé par Obsidian Entertainment et édité par Paradox Interactive
Des fois, c’est les méchants qui gagnent. Et ça tombe bien puisque vous faites partie des minions du méchant, s’en allant gaiement pacifier la dernière région insoumise, le dernier village de gaulois du coin qui fait rien que de la misère aux forces du vaillant Chef Suprême. Alors, comment est-ce que vous allez gérer le bordel pour la domination complète de votre patron ?
Après un Pillars of Eternity ma foi fort sympathique pour tous les amateurs de RPG restés à juste titre bloqués dans les années 2000 et vénérant Baldur’s Gate, Obsidian remet le couvert avec un autre RPG du même cru. Tyranny ne bénéficiant pas de la couverture médiatique d’un kickstarter à records, il y a fort à parier que beaucoup ont accueilli la nouvelle de « ah tiens, un nouveau RPG comme Baldur’s Gate » avec retard et circonspections. Il y a même fort à parier que beaucoup se fichent même de Tyranny car PoE avait un petit côté « vanilla » qui l’a empêché de se faire une vraie place aux côtés de ses aînés.
Et bien, c’est dommage, car Tyranny est un excellent jeu, largement au-dessus de PoE, à tout point de vue. Le fait de rouler pour le méchant de l’histoire qui asservit les peuples sous son joug à un petit côté libérateur et jubilatoire. En effet, en général, à moins d’être un gros sociopathes, un joueur lambda embrassera plutôt son côté loyal bon. Ici, on prend presque un malin plaisir à égorger des enfants parce que hein, c’est la volonté du chef suprême ! Le jeu propose – comme toujours avec Obsidian (Fallout New Vegas) – un univers ni tout blanc ni tout noir, avec des choix qui se répercute dans le temps et qui vont réellement avoir un impact sur votre destinée. D’ailleurs, l’équipe de développement a fait le choix d’une aventure plutôt courte (30 heures contre 100 pour PoE) avec une forte dose de réjouabilité avec ses quatre embranchements majeurs disponibles (j’en ai fait qu’un, celui de l’anarchiste qui dit fuck à tout le monde – mais je referai assurément au moins un run avec les Disgraciés).
Le système de magie est vraiment hyper intéressant et offre une très grande liberté dans la création de sort ! En tant que sorcier rôliste, j’ai énormément apprécié la combinatoire derrière la mécanique magique (ça fait un peu comme une recette de cuisine).
Le système de progression est dit « sans classe », comme dans Skyrim. Ce qui veut dire que vous gagnez en expérience sur ce que vous utilisez. Normalement, ce genre de système a deux effets : vous vous ultra-spécialisez sur un nombre limité de compétences ou bien vous montez un peu de tout. Comme tenu de la durée de vie du jeu, autant dire que la deuxième solution est un piètre choix : vous devenez un peu mauvais partout et ne pouvez assumer aucun rôle clé dans votre groupe (tank, DPS, heal pour synthétiser). Et pour quelqu’un comme moi qui aime bien planifier et prévoir une progression, c’est pas ce que je préfère (je me rappelle avoir passer une dizaine de niveaux sur Skyrim avant de dépenser mes points de compétences, histoire de voir ce que je préférais faire). J’en profite pour glisser une astuce qui m’a desservi sur le end game : entraînez vos personnages à chaque niveau ! Il n’y pas de limite à vos compétences, donc pas de raison de se priver (surtout que la thune n’est pas un problème – et ça vous évitera de manquer de points de connaissances comme moi pour faire des sorts vraiment cools).
La direction artistique est vraiment excellente, que ce soit sur le style un peu cartoony ou les dessins en 2D qui font très parchemin. Comme quoi on peut faire un jeu de fantasy avec un minimum d’âme sans avec l’impression de jouer à un n-ième copier-coller de poncifs génériques.
Une dernière note sur l’histoire. C’est du Obsidian et il n’y a rien à dire, c’est parfait, avec beaucoup d’embranchement avant même que vous ne commenciez à jouer (quand vous définissez l’univers de jeu en gros) et il y a énormément de moments juste jouissifs à vivre tout au long de votre aventure.
Tyranny est clairement la bonne surprise de fin d’année pour tous les amateurs de RPG sur PC. Un vrai coup de coeur, bien écrit, bien chiadé, avec une bonne durée de vie et une excellent rejouabilité. Tous les amateurs du genre devraient se ruer sur cette véritable pépite !
Bon, maintenant qu’on a fait la critique « Joueur » sympa, passons à la critique du game designer pinailleur qui ne peut pas s’empêcher de voir les défauts d’un jeu.
Et quand on y regarde bien, Tyranny souffre d’un manque d’équilibrage flagrant à l’heure actuelle. Bien sûr, comme d’habitude, vous commencez le jeu sans un rond et vous finissez riche à Crésus. Mais là n’est pas la question. Il s’agit surtout de décisions assez étrange. Déjà, on n’a pas des masses de compagnons d’aventure, soit. Mais cela pose deux problèmes : le premier, c’est que cela limite vos propres choix en matière de build et du rôle de votre personnage au sein de l’équipe. Assumez un rôle particulier vous impose à dégager celui un de vos compagnons, et malheureusement, en dépit du système sans classe, il va être difficile de faire d’un gros bourrin un magicien : déjà parce que ses arbres de talents orientent les PNJ vers deux orientations de gameplay (qui ne vous plaisent peut-être pas) et parce que la durée de vie courte du jeu vous limite très clairement dans la re-spécialisation de vos personnages en cas de mauvais choix (et à haut niveau de difficultés vous avez finalement assez peu de place pour les erreurs). Le deuxième point noir de si peu de compagnons est lié à leur histoire ; se faisant, vous avez TOUS les emplacements d’armure de DEUX personnages impossibles à changer. C’est ultra-frustrant !
C’est d’autant plus frustrant que la répartition du loot – comme celui de la thunes – est loin d’être linéaire : pendant très longtemps vous récupérez de la bouse et quasiment immédiatement, vous croulez sous les artefacts légendaires dont vous ne savez pas quoi faire parce que 1. vous n’avez qu’un groupe de 4, 2. il est possible que dans ce groupe vous ne pouvez pas vous en équiper 3. vous n’êtes pas entraîné pour ces artefacts à cause du système sans classe et 4. vous avez déjà upgradé votre stuff à la forge.
Au final, le jeu possède trop de générosité pour sa durée de vie. Virer tout ce qui est craft n’aurait personnellement pas dérangé et aurait permis une progression de puissance moins foutraque. Précisons que le craft m’ennuie, car de façon générale, il est rarement bien fait et Tyranny n’est pas l’exception et il confirme la règle.
Je m’attendais aussi à un boss de fin ingérable comme dans PoE. Il n’en est rien. Ils sont même plutôt ridicules ! J’avoue que je n’avais pas une équipe de branleurs à leur opposer non plus, ça joue nécessairement sur mon ressenti de type « c’était trop facile », des builds bien chiadés sont donc nécessaires ! Ca a le défaut de ses inconvénients dira-t-on, suivant le type de joueur que vous êtes.
Donc, le jeu n’est vraiment pas dur, pour peu que vous ne fassiez pas de conneries dans vos builds de personnages. Et il est facile de faire des erreurs dans ce système. Alors, ce n’est pas dramatique car à moins de faire le dernier niveau de difficulté, vous vous en sortirez sans soucis. Cependant, au niveau maximum de difficulté, vous risquez de souffrir dans 95% des cas. Croyez-moi, j’ai fait et refait le premier acte entier avec pas moins de 5 builds différents pour tester : guerrier épée-bouclier, archer, mains nues, et différentes variations de magiciens. Le constat est sans appel : la magie est LA voie royale. Et encore même là, il est facile de se planter. Mon astuce : maximiser la célérité en premier, puis l’esprit en deuxième, la vitalité au neutre et le reste en négatif à la création. Vous avez ainsi un magicien capable d’avoir un haut DPS magique dès le début. Mettez un sac à PV devant et ça devrait bien se passer (mon choix personnel s’est porté sur Sirin spé Guerre en armure lourde et max vita, il suffit de laisser chanter ses chants agressifs et de spammer vos compétences… elle est réellement OP).
La raison pour laquelle les magiciens sont complètement fumés par rapport aux autres classes (hormis le système de magie bien foutu), c’est à cause de leur nombre de capacités. Toutes les personnages commencent avec 2-3 capacités, vous les utilisez cycliquement et entre temps vous balancez vos attaques classiques. Avec un magicien, vous avez vos 3 capacités plus – au moins – 4 sorts magiques, pour peu que ce soit des sorts agressifs avec une bonne célérité, vous avez un fort taux de rotation sur vos sorts à dégâts, ce qui constitue un avantage carrément déséquilibrant pour votre groupe. Alors, certes, vous pouvez faire de n’importe quel perso un magicien avec le système sans classe, mais est-ce vraiment utile de faire de Barrik un jeteur de sorts quand ses arbres de talents vous hurlent à la tronche « Deux mains » ou « Bouclier ». Alors, c’était très rigolo de faire de Lantry un guerrier à javelot mais uniquement parce qu’il y avait un arbre prévu à cet effet (j’ai pas du tout poussé son côté magicien et ça a très bien marché).
Là où je veux en venir, c’est que le système sans classe à haut degré de liberté qu’on nous promet n’est que de la poudre aux yeux et ne fonctionne que pour votre personnage à vous. Et malheureusement, de tous les essais que j’ai pu faire, seule la voie magique possède un réel intérêt tactique. Si vous voulez autre chose que balancer vos capacités en mode brainless comme dans PoE.
Un autre problème est la répétitivité des combats. Il n’y a finalement pas tant de variétés d’ennemis que ça, et vous finirez par rencontrer des groupes similaires plus souvent que vous ne le souhaiteriez. Gérer un combat finit par devenir du copier-coller. Astuce : tout ce qui est interruptions (étourdi, renversé) fait vraiment le café. J’en venais aussi à regretter l’absence de création de scripts. A chaque fois que je voyais le cercle rouge d’un ennemi apparaître à l’écran, je lançais ma tripotée de sort de protection pré-combat. Ce qui est bien relou à faire toutes les 5 minutes… J’aurais aimé l’automatiser d’un unique bouton.
Je pourrais aussi cracher sur l’interface qui refuse de mettre toutes mes capacités en raccourcis directs mais arriver à ce point-là, on est dans l’ultra pinaillage.
Enfin, je ne suis pas spécialement du genre à refaire des jeux une fois finis. Celui-là va avoir l’avantage de proposer des variations d’histoire donc forcer mon intérêt, mais je n’aurais clairement pas dit non sur un trame beaucoup plus longue, avec plus de quêtes annexes (notamment liées à vos compagnons), plus de donjons, plus de tout…
Si vous avez lu jusque-là (déjà, merci), rappelez-vous que c’est vraiment pour pinailler et que rien de tout cela n’entache le plaisir de jeu que vous expérimenterez au final !